Comment je me suis réconciliée avec la bienveillance
Pendant longtemps je n’ai pas voulu utiliser ce mot, « bienveillance », pour parler de mes ateliers, de mes activités, dans mes articles. Galvaudé, mis à toutes les sauces, c’est un terme devenu passe-partout, qui me semblait avoir perdu de son sens, de son impact. De sa valeur, peut-être.
Puis mon esprit a fait un détour par l’italien. Cette langue généreuse, qui m’est chère, apprise sur le tard, et sur le tas.
« Ti voglio bene » : c’est une façon de dire en italien « je t’aime ». Littéralement: je te veux (ti voglio) du bien (bene).
Emplie de toute la poésie et de la chaleur de cette langue, j’ai réalisé que cette expression, « Ti voglio bene », ÉTAIT la bienveillance, définie ainsi par le dictionnaire (1):
Bienveillant(e), de:
bien
et veillant (= voulant, en ancien français)
Bienveillance : disposition favorable envers quelqu’un.
L’intention et le résultat
Alors je me suis réconciliée avec la bienveillance, j’ai retrouvé son sens et sa valeur, et elle fera partie de mon vocabulaire pour présenter mes activités et ma vision des choses.
Les parents, en général, veulent le bien de leur enfant. Ce qu’ils font, ils le font en voulant leur bien. Par exemple, un parent qui punit son enfant en le privant de sortie, le fait parce qu’il veut que son enfant apprenne quelque chose, dans l’intention qu’il comprenne quelque chose à ne plus faire, qu’il réfléchisse grâce à cette privation. Il le fait, en ce sens, « pour le bien de » son enfant. Le problème, c’est que l’action (punir) ne va pas générer le résultat recherché (faire changer un comportement), mais autre chose : de la colère, de la rancœur, de la soumission, de la révolte, etc. Le problème, c’est qu’en faisant cela, le parent fait quelque chose contre son enfant. Malgré l’intention du parent, le résultat ne sera pas de l’ordre de la compréhension ou de la transmission d’une valeur, d’un comportement attendu.
La bienveillance en action
C’est comme s’il y avait une distorsion entre l’intention, « vouloir le bien », et ce qui sort de notre bouche. Ou ce que nous faisons.
Dans les ateliers que j’anime, il s’agit de rendre la bienveillance concrète. Qu’elle se traduise dans les mots, les pratiques, les comportements, les réactions que nous avons avec nos enfants, au jour le jour.
C’est ce maillon, la communication, qui m’intéresse. Le fait de rendre nos actes quotidiens en accord avec les valeurs de respect et de bienveillance.
Cela repose sur plusieurs piliers clés, parmi lesquels la responsabilité, l’écoute et l’accueil de l’autre, dans la conscience que chacun est différent, unique, et légitime. Juste parce qu’il est là.
Apprendre à transformer sa communication
Si ce que je veux pour mon enfant, c’est la confiance, l’estime de lui-même, le sens des responsabilités, la capacité progressive à prendre en charge ses propres besoins (autonomie), alors la meilleure façon de lui transmettre, est de l’incarner moi-même.
Et cela se traduit aussi en termes de communication, dans les mots que je choisis, la façon dont je m’adresse à lui, l’attitude que j’adopte face à ses émotions. Voir sa fille triste ou déçue, en colère ou nerveuse. Voir son fils rentrer de l’école en pleurant, ou bousculer son frère. Ou bien voir arriver son enfant plein d’enthousiasme qui vous raconte son rêve d’être astronaute. C’est dans notre façon se réagir à toutes ces situations, quotidiennes, imprévisibles, que nous pouvons instaurer un climat de bienveillance durable et efficace.
Pour avoir la chance de les voir s’épanouir dans leur personnalité, leur authenticité, leur vitalité.
Je crois profondément que c’est ainsi qu’à un niveau plus large, nous aurons une société plus pacifique, plus cohérente, plus vivante, plus ouverte sur les autres, plus solide. Car des enfants accueillis tels qu’ils sont, accueillent les autres tels qu’ils sont. Des enfants à qui on a donné beaucoup, deviendront des adultes qui donnent beaucoup. Des enfants qui savent qui ils sont, qui ont confiance en eux, qui ont une bonne estime d’eux-mêmes, deviendront des adultes capables de faire face aux difficultés, de trouver des solutions concertées, seront moins enclins à faire preuve de violence ou de comportements (auto)destructeurs.
Tout cela se transmet et se construit, jour après jour, dans les relations que nous entretenons. Et le cadre familial est le premier lieu d’apprentissage.
Un pas de plus
Le premier pas ne me mène pas là où je veux aller,
mais il me sort de là où je suis. (2)
La force de l’approche Faber & Mazlish repose sur le fait que chaque participant(e) expérimente l’impact concret, ressenti, de certains mots et comportements plutôt que d’autres. Chacun(e) peut sentir en lui ce que font les mots qu’il entend.
Nous faisons un pas de plus, de l’intention, à la matérialisation.
La bienveillance se niche dans tout cela, sa puissance se déploie à travers de « petits » gestes, de « petits » mots, dans les échanges de tous les jours.
La communication bienveillante, c’est l’amour rendu tangible, c’est l’ouverture du cœur au quotidien, dans une attitude, dans des mots, dans une écoute. C’est dire « je t’aime » en demandant le pain.
Article écrit par Claire-Emmanuelle BERNARD ACQUAVIVA, le 16 août 2020
(1) Le petit Larousse, 2009 (2) Je ne connais pas l’auteur de cette citation, si vous le connaissez, prévenez-moi! 🙂