Les questions auxquelles j’aurais aimé répondre : c’est le point de départ de cette série d’articles. Animatrice d’ateliers de communication parents-enfants, je réponds à des questions entendues, lues, parfois imaginées. Bonne lecture!
Un appel
Et si ce foisonnement de livres, de vidéos, de stages, de blogs autour de la parentalité « positive », « bienveillante », « autrement », était un appel à changer de regard sur les enfants, sur l’enfance ? Une invitation à opérer un changement de version dans la façon d’interagir avec eux, un appel à s’interroger, et à créer un nouveau type de relation avec nos enfants, nos élèves, nos patients, nos neveux, nos amis, etc. Leur proposer une relation basée sur le respect, dans toutes ses composantes (physique, émotionnelle, relationnelle, psychique, etc.), sur l’écoute, la compréhension, la coopération, plutôt que sur la domination (1).
Un type de relation qui n’abîmerait pas, en tout cas qui ferait tout pour ne pas abîmer, la formidable énergie que portent les enfants dès leur arrivée sur terre, cette énergie de vie qu’est l’enthousiasme. Nous savons que les mots peuvent blesser, détruire, emprisonner. Nous savons aussi que l’environnement d’un enfant peut l’aider à se construire, à s’épanouir, et les mots font partie de cet environnement. Par le type de relation que nous vivons avec eux, nous pouvons favoriser le respect d’eux-même, l’expression de leur personnalité authentique, nous pouvons leur montrer comment accueillir les émotions et vivre avec, nous pouvons les inclure dans des recherches de solutions concertées en cas de conflit, nous pouvons favoriser une atmosphère de coopération plutôt que de compétition qui exacerbe les tensions.
Oui, la mode peut avoir un côté exaspérant, et nous pouvons aussi nous saisir de toutes ces opportunités aujourd’hui à notre portée pour faire évoluer une des relations sur lesquelles nous avons le plus d’influence dans notre vie.
> voir: Et si on changeait de regard sur l’enfant?
La colère : une émotion pas comme les autres
J’ai passé une grande partie de ma vie en colère, et c’est une émotion qui m’est encore très familière. J’ai aussi noté, au fur et à mesure de mes rencontres, dans le domaine personnel ou professionnel, que c’était une émotion plutôt mal vue, qu’il est préférable de ne pas montrer (et peut-être plus encore quand on est une fille/femme). Alors comment faire? Quel malentendu y a t-il autour de la colère? Je rejoins ceux qui pensent qu’on ne peut pas vivre en permanence dans une bulle de douceur et de bien-être en permanence (même si rien n’empêche de vouloir rendre ces qualités de plus en plus présentes dans notre vie de tous les jours).
Mais la plus sûre façon de se sentir plus détendu au quotidien n’est certainement pas de nier ou refouler ses émotions.
Dans les ateliers que j’anime, avec plaisir et enthousiasme, toutes les émotions sont bienvenues, y compris la colère. Dans toute relation, et a fortiori dans la relation avec un enfant, la colère se présentera. Ce dont il est question, ce n’est pas d’apprendre à ne plus se « mettre en colère », mais d’apprendre à exprimer sa colère SANS AGRESSER la personne en face de soi, en l’occurrence un/son enfant.
Comme nous le répètent souvent Faber et Mazlish, tous les ressentis sont légitimes et peuvent être écoutés, mais tous les comportements ne sont pas acceptables, notamment frapper (son frère, sa sœur, son parent, son prof, etc.). Et souvent, ce qui conduit à la violence est le défaut d’écoute, d’accueil, de l’émotion de départ.
« -Je déteste ma sœur!
« -Ne dis pas ça! C’est ta sœur et tu l’aimes, je ne veux plus entendre ça! »
L’émotion est toujours là, elle n’a pas été accueillie, elle va continuer à se manifester, à grandir, jusqu’à être entendue.
Remarque : c’est souvent l’émotion que nous ressentons en tant que parent qui nous empêche d’être à l’écoute des paroles de notre enfant. Ici, on peut imaginer que le parent pourrait ressentir: un choc d’entendre ces paroles, ou de la déception, ou de la colère, par exemple. Cela peut aussi le renvoyer à sa propre histoire en tant que frère ou sœur. Bref, notre réaction intérieure est intéressante à noter, et éventuellement à écouter à un moment propice.
Dans l’exemple ci-dessus, la proposition d’approches comme Faber & Mazlish, ou la méthode ESPERE, ou la CNV, est d’ACCUEILLIR les paroles et l’émotion de l’enfant, écouter. Cela ne veut pas dire « être d’accord » avec ses mots, mais les entendre, pour permettre à ce qui existe en lui à ce moment-là, d’être entendu. Car tout ce que veut une émotion, c’est être entendue. Elle est un message. Une fois que le message est passé, elle n’a plus lieu d’être.
> telecharger: La carte des émotions dessinée par Art-Mella
Montrer l’exemple
Un enfant apprend par l’exemple.
Parvenir, pour un adulte, à exprimer sa colère sans agresser son interlocuteur, est à la fois sain pour lui-même, et très instructif pour l’enfant. Celui-ci apprend, par mimétisme, qu’on peut exprimer ses émotions même si elles sont « difficiles »/désagréables, comme la colère, en prenant soin de la relation. Il intègre qu’il est possible, sain et sans danger, et même bénéfique, d’exprimer ses émotions, quelle que soit leur nature. Qu’il est possible d’exprimer authentiquement ses ressentis dans une relation et d’être accepté tel qu’il est.
> lire: Aidez votre enfant à gérer ses colères
Si vous venez un jour dans les groupes que j’anime, vous réaliserez vite qu‘il n’est jamais question de mettre ses émotions de côté en tant qu’adulte, mais, au contraire d’apprendre à accueillir les émotions et à les exprimer dans un langage « qui ne détruit pas les personnes qui nous sont chères, un langage qui ne leur porte pas atteinte », comme le dit Haim Ginott (2).
De la douceur
Faire évoluer notre façon de parler vers plus d’écoute et d’expression authentique ne veut pas dire être tout le temps content, ni toujours de bonne humeur, ni forcément « gentil ». Selon mon expérience et ce que je constate autour de moi, cela permet plutôt de traverser ce que nous vivons avec plus d’indulgence, de tolérance, et aussi plus de sincérité, envers nous-même, et envers ceux qui nous entourent.
Notre façon de parler et notre façon de penser s’influencent mutuellement en permanence. Ainsi, toutes ces valeurs d’écoute, d’accueil, de coopération, d’authenticité, de santé, de respect, qui innervent la communication relationnelle, modifient progressivement notre façon de vivre au quotidien et de voir le monde.
> ecouter: How language shapes the way we think
Par conséquent, il n’est pas exclu que tout ce travail de prise de conscience et de transformation de la communication, qui nous questionne sur le type de relation qu’on souhaite vivre avec nos enfants, avec les enfants, mène à une plus grande indulgence et une plus grande douceur envers soi-même et envers tous les autres.
Article rédigé par Claire-Emmanuelle BERNARD ACQUAVIVA (19/10/2019)
> Les ateliers que j’anime : Faber & Mazlish
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> Lire l’article réponse à la Question n°1 🙂
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(1) Dans son entretien « Le message d’amour de la forêt », Laurent Huguelit explique que « s’il y a une effervescence de livres, films et documentaires sur les arbres en ce moment, ce n’est pas par hasard: la forêt nous appelle ». C’est en lisant ces mots que le parallèle avec la « mode » pour la parentalité « bienveillante/positive » m’est venue. Cette formidable interview au sujet de son dernier livre « Mère » (sur la forêt amazonienne) est à retrouver dans Inexploré, n°44, septembre 2019.
(2) Entre parent et enfant, Haim Ginott (2013, L’atelier des parents, pour l’édition française, publication originale, Etats-Unis, en 1965)