Un travail d’équipe

Les questions auxquelles j’aurais aimé répondre : c’est le point de départ de cette série d’articles. Animatrice d’ateliers de communication parents-enfants, je réponds à des questions entendues, lues, parfois imaginées. Bonne lecture!

Le mythe du parent parfait

Une fois n’est pas coutume, Libé a produit, en 2018, un affligeant dossier (1) sur « l’éducation bienveillante ». Le journal titrait:

« Le mythe du parent parfait

Ecouter ses enfants et négocier avec eux : la mode de la parentalité positive va jusqu’à organiser des stages pour mères et pères dépassés. Progrès ou illusion? »

Personne, évidemment, n’a envie d’être étiqueté « parent dépassé ». Sans compter l’insinuation selon laquelle ces stages (tous mis dans le même panier) seraient des « attrape- nigauds », comme disait ma grand-mère, un business parfait pour de nouveaux gourous exploitant la faiblesse de ces parents, je cite, « dépassés, débordés, culpabilisés, incapables de savoir s’il vaut mieux punir ou expliquer » (2).

Photo : King Lip on Unsplash

Un parent devrait-il, à l’instant où il le devient, tout savoir de la relation à un enfant?

Savoir

S’occuper d’un enfant de 2, 4, 14 ans…

Répondre à des questions auxquelles ils n’avait même jamais pensé et qui peuvent le mettre dans l’embarras…

Réagir à des comportements qui réveillent de fortes émotions en lui…

Faire face à une forte colère sans entrer dans une forme de violence, verbale ou physique…

Savoir réagir de façon appropriée dans d’innombrables situations auxquelles nous ne sommes JAMAIS préparés. Inévitablement, il y a des tensions, des remises en question, des conflits, de la culpabilité, dans cette relation où nous avons à la fois un rôle, un enjeu affectif et une responsabilité uniques.

Photo: King Lip on Unsplash

Acquérir des compétences

Offrir son écoute, exprimer ses émotions, accueillir celles de son enfant, trouver les mots justes, interagir de façon relationnelle…Qui a appris à faire tout cela, avant de devenir parent? Peu d’entre nous. Sans parler de connaissances en matière de développement de l’enfant.

Le plus souvent, en matière de communication, nous reproduisons, une fois parents, les modèles que nous avons eus. Nous les aménageons, nous les adaptons, parfois nous les adoucissons, mais les mécanismes, au fond, restent, dans la plupart des cas, les mêmes. Ordres, chantage, menaces, dévalorisation, sont le lot quotidien de beaucoup de parents, et donc, de beaucoup d’enfants.

Et, comme je l’ai écrit dans mes articles précédents, il n’est pas question ici de l’amour dans lequel on a grandi, ou de l’affection que nous ont portée nos parents. Il s’agit de compétences relationnelles et la famille, la maison, est le premier endroit où nous acquérons ces compétences, comme le disent Elaine Mazlish et Adele Faber.

Photo : Pablo Merchan Montes on Unsplash

Pour toutes ces raisons, s’il y a bien un domaine dans lequel il est utile de progresser, c’est bien celui de la communication et de la relation parent-enfant ou adulte-enfant.

Ambition et vulnérabilité

« Si je vais à un stage sur la parentalité, on pensera que je ne sais pas m’occuper de mes enfants ».

Jesper Juul, thérapeute familial et auteur danois de référence (3), affirme qu’il faut beaucoup de courage et de volonté pour remettre en question des habitudes ancrées depuis des décennies, majoritaires dans la société. Il appelle les parents à assumer une forme de vulnérabilité, à être tels qu’ils sont, tels que nous sommes, c’est-à-dire imparfaits, en chemin. L’authenticité est une valeur phare dans ses écrits et c’est aussi toute l’invitation d’une communication relationnelle : un moyen de créer chez soi une atmosphère où la parole, les émotions, la personnalité de chacun (parent comme enfant), peuvent être accueillies, respectées, et ainsi s’épanouir de plus en plus librement et solidement.

Photo : Road trip with raj on Unsplash

« L’idée qu’on puisse apprendre des choses sur notre façon d’être en tant que parent est relativement nouvelle », me disait récemment une amie. Peut-être est-ce, effectivement, la nouveauté de cette ambition, celle de construire un nouveau type de relation avec nos enfants, qui la rend suspecte ou peu attractive encore.

En matière d’apprentissage, chacun trouve le ou les moyens qui lui conviennent, selon ses goûts, ses moyens, sa disponibilité: livres, échanges avec des amis, formation en ligne, cahiers d’exercice, stages courts ou longs. Autodicacte ou accompagné(e).

Chacun son chemin

Alors même qu’ils prônent un changement de regard, un nouveau paradigme dans la relation parent-enfant, certains sont réfractaires aux « méthodes ». Selon eux, chaque parent doit trouver son propre langage, inventer ses solutions basées sur des valeurs qui leur sont chères, au lieu d’appliquer des outils inventés par d’autres.

Photo : Daniele Levis Pelusi on Unsplash

A l’inverse, Elaine Mazlish et Adele Faber, par exemple, ont développé des outils « prêts à l’emploi », qui sont accessibles aux parents du monde entier grâce à des livres conçus pour être lus et utilisés par le plus grand nombre. Composés d’illustrations, cas pratiques, exercices, explications, témoignages, ces ouvrages sont construits de façon pédagogique et pratique pour donner aux parents des alternatives directement utilisables. Si les ouvrages de Faber & Mazlish reposent sur un ensemble de valeurs fondamentales, leur proposition est clairement axée sur l’utilité pratique, concrète, quotidienne, plutôt que sur un argumentaire psychologique, social ou politique.

Photo : Denise Jones on Unsplash

Personnellement, je trouve les deux visions nécessaires et complémentaires.

Un stage, pour quoi faire?

Cela étant posé, retour à la question: un stage, quel intérêt? Au vu de mon expérience, à la fois d’animatrice d’ateliers et de participante à de nombreux stages, en voici les avantages.

  • Une motivation accrue : faire partie d’un groupe, avec des travaux d’inter-sessions, des échanges réguliers, est motivant. De plus, lorsque l’on rencontre des échecs (et c’est le cas de tout le monde), savoir que l’on pourra débriefer avec l’animateur/trice, et/ou avec les camarades de stage, permet de relativiser et de persévérer dans la résolution de certaines difficultés.
  • Une implication forte : s’inscrire pour une formation de plusieurs heures, étalée sur plusieurs semaines, et, osons le dire, dépenser une somme d’argent conséquente, constituent un engagement; nous souhaitons en retirer quelque chose et cela renforce la motivation et l’assiduité.

Photo : Fabian Blank on Unsplash

  • Une prise de recul: se retrouver régulièrement au sein d’un petit groupe, dans lequel se crée un climat de confiance, pour aborder des sujets du quotidien, permet de porter dessus un regard distancié et, souvent, de s’ouvrir à de nouvelles possibilités.
  • La richesse des échanges : se rendre compte, grâce aux récits sincères d’autres participant(e)s, qu’on n’est pas seul à rencontrer tel ou tel type de problème, fait du bien. De plus, la diversité des personnalités et des situations de chaque participant(e) permet l’émergence de solutions auxquelles nous n’aurions pas pensé seuls.

    Photo : Perry Grone on Unsplash

  • Une intégration plus rapide et surtout plus ancrée des compétences : dans mes ateliers, nous expérimentons lors des jeux de rôle et autres exercices. Cela permet, non seulement de comprendre certains principes et mécanismes, mais de les ressentir, d’éprouver la différence, en direct, lorsqu’on entend une réponse ou une autre. Cela peut permettre des prises de conscience immédiates et durables.
  • Pour découvrir ce que mes ateliers ont apporté à certains des participant(e)s, je vous invite à consulter la page « Témoignages »

Sparring partner

Par le cheminement intérieur qu’il implique, comme par la pratique nécessaire à son acquisition, cet apprentissage relationnel, autodicacte ou accompagné(e), permet peu à peu d’incarner les valeurs que vous souhaitez réellement transmettre à vos enfants.

Photo : A Anshu on Unsplash

Jesper Juul emploie l’expression de « sparring-partner » pour un parent avec son enfant. J’aime beaucoup cette expression, car elle montre bien à quel point, dans cette relation, nous nous entraînons ensemble et nous faisons équipe dans un échange permanent.

Article rédigé par Claire-Emmanuelle BERNARD ACQUAVIVA, le 9 avril 2020
> Les ateliers que j’anime : Faber & Mazlish
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(1) Dossier affligeant et décevant, tant par la partialité des articles, que par la pauvreté des références et de « l’enquête » menée .Voir ici la réaction de l’OVEO à sa parution: https://www.oveo.org/un-dossier-sur-la-parentalite-positive-dans-le-journal-liberation/

(2) Libération du 7 février 2018

(3) Je vous recommande notamment la lecture de son essai « Voulons-nous vraiment des enfants forts et en bonne santé? » (ed. Fabert).